Coronavirus, confinement et troubles de voisinage

Le confinement de la population en France est une mesure sanitaire désignant l’ensemble des restrictions de contacts humains. Cependant, ce confinement qui amène tout un chacun à rester confiné chez soi, dans sa maison ou son appartement, mets en exergue d’autres troubles parfois existants déjà, parfois apparaissant plus clairement en étant confiné chez soi depuis maintenant plus de 30 jours, savoir, les troubles de voisinage.

Le confinement décrété par le gouvernement en l’état de la crise sanitaire liée au coronavirus et à l’État d’urgence sanitaire a généré pour les français bon nombre de crispations dans leurs relations conjugales et familiales au sein d’un même logement, mais également dans leurs relations avec leur voisinage proche.

Il convient dès lors de revenir sur la notion de troubles de voisinage.

Le trouble de voisinage peut s’exprimer de différentes manières et revêt de très nombreuses formes allant de l’attroupement dans le hall d’immeuble, présence d’un terrain non entretenu, en friche ou avec gravats ou l’utilisation abusive d’un barbecue par un voisin.

Bien évidemment, les troubles de voisinage ne sont pas les mêmes selon que l’on vit en copropriété ou dans un logement individuel.

Les troubles de voisinage peuvent découler de bruits de voisinage liés au comportement, aux bruits d’activité ou bien encore de nuisances olfactives.

Il convient de rappeler que les obligations de voisinage amènent tout un chacun à se comporter intelligemment.

Le trouble de voisinage se définit comme un dommage anormal crée par un voisin qui oblige l’auteur du trouble à dédommager la victime du préjudice subi.

L’anormalité se caractérise par la transformation d’un inconvénient ordinaire de voisinage en un inconvénient anormal.

Toute la subtilité de la notion se trouve là.

Les troubles de voisinage sont assez peu encadrés par les textes de loi et c’est la Cour de Cassation qui dans ses jurisprudences va donner un sens à cette notion.

Ainsi, une fois les rapports fixés entre propriétaires, et ou locataires, compte tenu des charges normales résultant duvoisinage, cet équilibre ainsi établi doit être maintenu entre les droits respectifs des propriétaires, et ou locataires.

Il en résulte qu’une fois cet équilibre rompu par un trouble excédant la mesure des inconvénients normaux de voisinage, le trouble de voisinage est caractérisé.

Pour qu’il y ait matière à application de la théorie des troubles de voisinage, il faut que soit apporté la preuve d’une part, d’une rupture d’équilibre entre voisins, et d’autre part, de l’imputabilité de cette rupture à la personne à laquelle l’indemnisation est demandée.

En effet, il convient de distinguer l’inconvénient normal de voisinage qui doit être supporté par chacun et le trouble excessif dont il convient de rapporter la preuve et l’imputabilité ce qui n’est pas toujours simple en pratique.

Le point de rupture sera fixé en fonction de critères objectifs et concrets d’analyse de l’environnement existant.

Il n’est pas rare de constater que le trouble anormal ne découle pas tant d’un comportement des voisins mais parfois de l’aménagement du bien immobilier ou de sa construction.

Il convient donc de vérifier si l’immeuble est aux normes notamment sonores, phoniques et d’isolation, car cela peut immanquablement accentuer un trouble normal de voisinage.

 

Les exemples de troubles de voisinage sont nombreux.

La jurisprudence a retenu comme troubles excessifs du voisinage :

   – Le tapage nocturne résultant de l’exploitation d’un café ;
   – La perte d’ensoleillement ;
   – La présence d’un mur de clôture menaçant de s’effondrer sous la pression des terres
   – L’utilisation d’un instrument de musique comme la batterie ; l’utilisation excessive d’un appareil de radio  ;
   – La détention de chiens de garde bruyants et dangereux ;
   – La présence d’un chenil contenant un trop grand nombre de chiens ;
   – Poussières, odeurs, vibration, infiltration d’eau.

La difficulté est de s’assurer que le bâtiment est aux normes et que les troubles évoqués sont manifestement excessifs.

Concernant la preuve dudit trouble, il faudra faire intervenir un huissier ou un expert en isolation phonique pour en déterminer l’étendue.

Sur le terrain pénal, des textes viennent également sanctionner l’auteur d’agressions sonores.

En effet, lorsque le bruit est causé en vue de troubler la tranquillité d’autrui, l’auteur des agressions sonores peut être puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende par application de l’article 222-16 du Code pénal.

Sur le terrain civil, le trouble excessif de voisinage est sujet à indemnisation.

Il peut également être un motif de résiliation du bail lorsque le responsable du trouble est le locataire.

Le voisin victime peut se retourner contre son propriétaire car le locataire est tenu d’user paisiblement de son logement.

A défaut, le locataire indélicat peut se voir délivrer un congé par son propriétaire pour motif légitime et sérieux ou voir son bail résilié par le juge comme le prévoient les articles 4 et 6-1 de la loi du 6 juillet 1989.

La jurisprudence est claire en la matière le tapage tant diurne que nocturne est un motif de congé.

Si le confinement est une phase pour laquelle il appartient à chacun de faire des efforts, il n’en demeure pas moins que certains abus peuvent êtes constatés.

Le trouble est apprécié par :

   – la fréquence et la durée du trouble,
   – le moment du trouble : le jour ou la nuit
   – le caractère du quartier ou la localisation du trouble

Les nuisances sonores peuvent être l’objet de nombreuses plaintes durant le confinement.

Il importe de citer l’article R. 1334-31 du Code de la santé publique qui dispose que « qu’aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité ».

Pour autant, toute la difficulté est de rapporter la preuve desdites nuisances tant sur leur caractère anormal que sur leur imputabilité.

Fort heureusement des solutions amiables existent en adressant une mise en demeure au voisin indélicat.

Cela permettra de matérialiser et dater les nuisances en fonction.

Il est également possible d’avoir recours à un conciliateur de justice et à défaut au syndic de copropriété.

Ce dernier peut intervenir pour adresser une mise en demeure au voisin en question et le rappeler au respect du règlement de copropriété qui prévoit une jouissance paisible des lieux.

Il peut également prévenir le propriétaire de ce que son locataire est générateur de troubles excessifs de voisinage.

Par la suite, il conviendra de saisir le juge pour obtenir des dommages et intérêts pour préjudice subi et surtout afin que le trouble de voisinage cesse.

 

Maître Laurent LATAPIE

Source : https://www.juritravail.com/Actualite/troubles-de-voisinage/Id/331424