Conflits en période de confinement : osez la médiation !

Une plateforme dédiée à la résolution amiable des litiges offre gratuitement ses services pendant la durée du confinement. Le tout, à distance.

Un voisin trop bruyant, un locataire défaillant, un voyagiste souhaitant conserver l’acompte versé… La crise sanitaire a engendré son lot de litiges. Une solution pour les résoudre sans faire appel à la justice, elle aussi confinée ? La médiation.

« À l’heure des outils digitaux, ce processus franchit une nouvelle étape en permettant de mener les séances en visioconférence avec toutes les garanties de la confidentialité », plaidait Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux et médiatrice, dans une tribune parue dans Le Monde du droit le 6 avril 2020.

Ces garanties sont notamment proposées par la plateforme urgence-médiation, lancée par des huissiers de justice regroupés en association (Médicys). Le service est mis gratuitement à la disposition des particuliers et professionnels (TPE et PME) pendant la durée du confinement.


Obligation préalable de règlement amiable

Pour entamer le processus, il suffit de se connecter sur le site, de remplir un formulaire en précisant la nature du litige et, s’il y a lieu, le montant de sa créance, et de joindre les pièces justificatives. Le dossier est adressé puis traité au « greffe » de Médicys.

L’autre partie est immédiatement contactée, et dispose de 15 jours pour faire part de son accord sur le principe d’une médiation. En cas de refus, la médiation ne se concrétisera pas, mais le demandeur obtiendra un justificatif de sa démarche. « Il pourra produire cette attestation devant le tribunal pour montrer qu’il a tenté la médiation », précise la présidente de Médicys, Christine Valès. L’obligation préalable de règlement amiable s’impose en effet, depuis le 1er janvier 2020, avant toute procédure relative à un conflit de voisinage ou dont l’enjeu est inférieur à 5 000 euros.


Titre exécutoire

Si l’entreprise accepte la médiation, un huissier de justice sélectionné en fonction de sa compétence parmi les quelque 140 médiateurs volontaires inscrits sur la plateforme est désigné. Il prend contact avec les parties (par mail ou téléphone) et conduit la médiation par l’intermédiaire d’un forum de discussion auquel s’ajoutent, selon le souhait et les besoins des parties, des rendez-vous en visioconférence ou par téléphone. « Notre plateforme n’est pas un mail de contact : la personne a accès à toute la chronologie du dossier. Nous lui proposons une traçabilité totale de tout le processus de manière sécurisée et confidentielle. L’intérêt de faire appel à nous est notre savoir-faire en matière de conflit. Nous savons comment le désamorcer », assure Christine Valès.

En cas de succès, le médiateur établit un procès-verbal de médiation entérinant l’accord des parties. Ces dernières peuvent même, pour les litiges de moins de 5 000 euros, obtenir un titre exécutoire ayant la force d’un jugement, ce qui évitera en cas d’inexécution de l’accord de retourner devant le juge.


« Avec la médiation, nous faisons un choix éthique »

Depuis son lancement, il y a une semaine, la plateforme revendique entre 20 et 30 appels ou connexions par jour, portant sur des questions diverses : problèmes de règlement d’un loyer, renégociation d’un prêt bancaire, remboursement d’un acompte versé à un déménageur…

Les nuisances sonores au sein des immeubles font aussi partie du quotidien de cette plateforme d’urgence. « Nous faisons un travail de pédagogie, de prise de conscience de la gêne occasionnée. Le rôle de l’huissier médiateur n’est pas de constater la nuisance pour constituer une preuve en vue d’une procédure judiciaire mais d’éviter que la gêne ne se transforme en contentieux », note l’huissier médiateur Rémy Kaestlé. Dans cet exercice de dialogue et de conciliation, ce spécialiste des constats, de l’exécution des jugements et des saisies, intervient désormais « en amont de ses actions traditionnelles, autrement dit avant la décision de justice. On s’inscrit dans une mission d’apaisement social ».

10 % à 15 % de la profession ont déjà adhéré à la plateforme et se sont formés aux techniques de médiation. « La moitié des médiateurs de Médicys formés s’est mobilisée pour participer à cette action bénévole, précise Christine Valès. Avec la médiation, nous faisons un choix éthique. Nous concevons ce processus comme le rétablissement d’une relation humaine et d’un dialogue qui dure, largement préférable à un processus judiciaire plus long et coûteux ».

Urgence-médiation est joignable au 01 85 73 45 29, du lundi au vendredi de 10 heures à 18 heures.

Par Laurence Neuer

Source : https://www.lepoint.fr/editos-du-point/laurence-neuer/conflits-en-periode-de-confinement-osez-la-mediation-14-04-2020-2371283_56.php#xtor=CS2-238