L’abandon du logement par le locataire

Lorsque le locataire abandonne le logement qu’il occupe (départ à la cloche de bois), le bailleur doit engager des démarches spécifiques pour le récupérer. Il doit d’abord faire appel à un huissier de justice pour constater l’abandon du logement puis saisir le juge pour obtenir la résiliation du bail.

I . Le constat d’huissier

Lorsque des éléments laissent supposer au bailleur que le logement est abandonné il doit adresser à son locataire une mise en demeure de justifier qu’il occupe bien le logement. La mise en demeure doit être faite par acte d’huissier. En cas d’impayés, cette mise en demeure peut également être contenue au sein d’un commandement de payer.

Le locataire dispose d’un délai d’un mois, suivant la signification de la mise en demeure, pour se justifier auprès du bailleur. Sans réponse de la part du locataire dans le délai d’un mois, l’huissier de justice peut constater l’état d’abandon du logement.
Dans ce cadre, il peut pénétrer dans le logement en présence :

  • du maire de la commune, d’un conseiller municipal ou d’un agent municipal habilité,
  • d’une autorité de police ou de gendarmerie,
  • ou de deux témoins majeurs sans lien avec le bailleur ou l’huissier.

L’huissier dresse alors un procès verbal et, si le logement paraît abandonné, il dresse l’inventaire des meubles éventuellement laissés sur place avec l’indication de leur valeur. Il doit s’assurer de la fermeture de la porte du logement lorsqu’il quitte les lieux.

II. La procédure devant le juge

Après constatation par l’huissier de l’inoccupation des lieux, le propriétaire-bailleur peut alors saisir le juge afin que celui-ci prononce la résiliation du bail. Le propriétaire doit saisir le juge par requête adressée au greffe du tribunal d’instance. La requête doit mentionner :

  • l’identité du bailleur,
  • la profession du bailleur,
  • le domicile du bailleur,
  • la nationalité du bailleur,
  • les date et lieux de naissance du bailleur,
  • l’identité du locataire,
  • le domicile du locataire,
  • l’objet de la demande.

La requête doit être datée, signée et accompagnée de toutes les pièces justificatives, dont le procès-verbal de l’huissier.

Le juge statue par ordonnance. S’il estime que la requête est fondée, le juge :

  • constate la résiliation du bail,
  • ordonne la reprise des lieux,statue sur la demande de paiement en cas d’impayés,
  • désigne les biens ayant une valeur marchande sur la base de l’inventaire dressé par l’huissier et autorise leur vente aux enchères.

Si le juge rejette la requête, sa décision est sans recours pour le bailleur qui conserve toutefois la possibilité d’engager une procédure d’expulsion classique.

Le bailleur a deux mois pour signifier, par huissier, la décision du juge au locataire ou aux derniers occupants connus du bailleur au dernier domicile connu du locataire.

Au-delà de ce délai, l’ordonnance qui n’a pas été signifiée devient nulle.

Cette signification doit obligatoirement informer le locataire :

  • de la manière dont il peut contester l’ordonnance du juge (délai, forme et tribunal compétent…),
  • de la manière dont il peut prendre connaissance des documents produits par le bailleur,
  • de l’absence de recours possible au-delà du délai légal de contestation,
  • de la possibilité de retirer ses effets personnels dans un délai d’un mois.

Si la signification est remise en mains propres, l’huissier doit également informer verbalement le locataire de ses droits.

Le locataire a un mois à partir de la signification de l’ordonnance pour la contester par déclaration remise ou adressée au greffe du tribunal d’instance. Les parties sont alors convoquées à l’audience par lettre recommandée avec accusé de réception, doublée d’une lettre simple.

Le jugement du tribunal se substitue à l’ordonnance. Si le juge constate que la demande initiale du bailleur est abusive, ce dernier peut être condamné au versement d’une amende civile pouvant aller jusqu’à 3 000 €.

Lorsque le délai d’opposition d’un mois est expiré, l’Ordonnance devient définitive. L’huissier dresse alors un procès-verbal de reprise des lieux. Lorsque le locataire a abandonné le domicile en y laissant des meubles, ces meubles sont vendus aux enchères. C’est uniquement à partir de ce moment que le propriétaire-bailleur peut retrouver son logement et le relouer.

III. Logement abandonné par le locataire et dégradation par des squatters

Concernant les baux en général, l’article 1732 énonce que tout locataire « répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute ».
Concernant les logements loués à usage d’habitation principale (vides ou meublés), la règle est que le preneur doit « répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement » (article 7-c de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989).
Ainsi, le locataire n’a pas à répondre des dégradations causées, par exemple, par des cambrioleurs. Mais qu’en est-il des actes de vandalisme causés par des squatteurs alors que le locataire aurait quitté un logement sans prévenir le propriétaire ?
Deux décisions de la Cour de cassation indiquent que celle-ci penche en faveur de la responsabilité du locataire dans ce cas de figure.

Dans la première affaire, une locataire avait cessé d’habiter dans le logement loué depuis plusieurs mois. Le propriétaire a découvert que la porte d’entrée de la maison avait été fracturée et que les vitres du logement avaient été cassées. La cour d’appel a rejeté les demandes du propriétaire vis-à-vis de la locataire au motif que celle-ci « démontre que les dégradations constatées sont le fait de tiers qui se sont introduits dans le logement, alors que, si elle n’habitait pas les lieux, sa famille en assurait la surveillance ».
La Cour de cassation a néanmoins censuré cette analyse : « en statuant ainsi, sans rechercher si en quittant les lieux définitivement sans en informer le bailleur, ni donner congé et restituer les clefs, Mme A… n’avait pas commis une faute engageant sa responsabilité à l’égard de M. Y…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 janvier 2016, n°14-20.500).

Dans la seconde affaire, il s’agissait d’un locataire commerçant ayant cessé d’exploiter le local loué. Du fait de cette inoccupation, des squatters avaient vandalisé le local. Après avoir obtenu la résiliation du bail, le propriétaire a demandé à l’ex locataire des dommages-intérêts correspondant à la franchise de loyers octroyée au locataire suivant pour remettre en état des locaux dégradés.
La cour d’appel a rejeté cette demande au motif que tout locataire ne répond que des dégradations lui incombant conformément aux dispositions de l’article 1732 du code civil.
Dans son pourvoi en cassation, le propriétaire a reproché à la cour de n’avoir pas «recherché comme elle y avait été invitée, si ces actes de vandalisme n’avaient pas été rendus possibles par le comportement de la société preneuse, qui avait abandonné les lieux loués sans donner congé au bailleur, ni restituer les clefs ni prendre les précautions nécessaires pour assurer la sécurité des lieux ».
La Cour de cassation lui a donné raison : « en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le preneur n’avait pas abandonné les lieux sans procéder à leur sécurisation avant son expulsion, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 octobre 2018, 16-17.172).

Source : https://www.expertise-immobiliere-aquitaine.fr/b/labandon-du-logement-par-le-locataire