Justice : la réforme de l’aide juridictionnelle entre en vigueur

Depuis le 1er janvier, l’aide juridictionnelle se veut plus accessible et plus fluide grâce à une procédure simplifiée et allégée. Le nombre de demandes pour bénéficier de ce dispositif, qui mobilise cette année plus de 500 millions d’euros, a explosé, entraînant un engorgement des tribunaux.

Un dispositif plus simple. Depuis le début de l’année, l’aide juridictionnelle (AJ) versée aux justiciables modestes pour être assisté par un avocat ou faire appel à un huissier se veut plus facile d’accès. Un décret publié le 29 décembre élague le maquis d’exceptions conditionnant le bénéfice de cette aide versée à près de 1 million de demandeurs.

Seul est désormais pris en compte le revenu fiscal de référence (RFR) ou, à défaut, les ressources imposables du demandeur. Le bénéfice de l’aide juridictionnelle est total lorsque ce RFR ne dépasse pas 11.262 euros et partiel s’il est compris entre 11.262 et 16.890 euros. Auparavant, le dispositif prévoyait que soient prises en compte les « ressources de toute nature », avec de nombreuses exceptions. Les nouvelles limites fixées peuvent, en outre, évoluer en fonction du nombre de personnes à charge du foyer fiscal.

Il y a d’autres limites qui dépendent, cette fois, de la valeur du patrimoine des demandeurs. Au titre du patrimoine mobilier, une personne seule disposant d’une épargne de 11.261 euros et plus cesse d’être éligible à l’AJ. Au titre du patrimoine immobilier, ce seuil a été fixé à 33.790 euros, toujours pour une personne seule, selon ce décret pris en application de la loi de Finances pour 2021.

Victime de son succès

Ses dispositions découlent des recommandations faites en juillet 2019 par les députés Philippe Gosselin (LR) et Naïma Moutchou (LREM) pour fluidifier le fonctionnement d’un dispositif, selon eux, « victime de son succès ». De plus de 382.000 en 1992, le nombre d’admissions au bénéfice de l’AJ est passé à 985.110 en 2017.

« Cette forte hausse des bénéficiaires s’est traduite par un engorgement des bureaux d’aide juridictionnelle et un allongement des délais de traitement des dossiers », notaient les deux parlementaires. Et les dépenses liées à l’AJ ne cessent d’augmenter : le budget, systématiquement dépassé, est passé de 317 millions d’euros en 2013 à 484 millions l’an dernier.

Cette année, le gouvernement a inscrit en loi de Finances une dépense prévisionnelle de 534 millions d’euros. Pourtant ce n’est pas la France, et de loin, qui consacre le plus de moyens à ce type de dispositif. Avec une aide de 5,06 euros par habitant (chiffre 2016), elle figure dans le peloton de queue des Etats européens. La Suède, le Royaume-Uni et les Pays-Bas dépensent respectivement sept, six et cinq fois plus.


Les avocats revalorisés

La nouvelle hausse de l’AJ décidée pour 2021 tient à plusieurs facteurs. Il y a d’abord le coût de mise en oeuvre de la réforme de ce dispositif, laquelle fait beaucoup moins de vagues que celle tentée sous le quinquennat de François Hollande. Progressivement, à partir de cette année, les justiciables pourront demander en ligne le bénéfice de cette aide. Cet investissement numérique, en plus de la réorganisation des bureaux de l’aide juridictionnelle, doit permettre de réduire les délais d’instruction.

Il faut aussi inclure dans cette hausse, la revalorisation de l’unité de valeur, passée de 32 à 34 euros le 1er janvier, qui sert au calcul de la rémunération des représentants des professions judiciaires, principalement les avocats. Cet automne, un rapport du Sénat sur le projet de budget de la justice chiffrait à « 50 millions d’euros » les gains de ces derniers en année pleine. Un niveau de revalorisation « inférieur aux 100 millions d’euros recommandés par le rapport Perben », remis cet été au garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, y est-il pointé.

Joël Cossardeaux

Source : https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/justice-la-reforme-de-laide-juridictionnelle-entre-en-vigueur-1277960